L’AMF publie ses propositions pour une réforme du cadre répressif des abus de marché. Dans son rapport, le groupe de travail de l’AMF a passé en revue les dossiers d’abus de marché en France (information privilégiée, manipulation de cours et fausse information) traités au cours des 10 dernières années. Cet examen a porté sur 182 dossiers d’abus de marché qui ont été transmis par l’AMF au pénal entre la date de création de l’AMF et août 2014.
Il ressort de cette analyse que :
– Sur les 182 dossiers transmis, 150 ont fait l’objet de décisions de la Commission des sanctions de l’AMF (soit 82 % des rapports d’enquête transmis au parquet).
– Seuls 22 dossiers ont fait l’objet de peines d’amendes correctionnelles et/ou de peines d’emprisonnement avec sursis (soit 12%) et 109 n’ont donné lieu à aucune condamnation pénale (soit 60%).
– Le cumul des poursuites et des sanctions administrative et pénale pour les abus de marché est très rare en pratique : 17 dossiers seulement ont fait l’objet d’une condamnation par le juge pénal et l’AMF, soit un peu plus d’un cas par an.
– La procédure de sanction administrative est rapide : sur les 10 dossiers les plus importants depuis 2004, le délai moyen de la procédure devant l’AMF a été de 39 mois contre plus de 78 mois pour la procédure pénale. Sachant que sur ces 10 dossiers, 6 font encore l’objet d’une information judiciaire en cours et 1 d’une enquête préliminaire, on ne compte que 3 dossiers ayant fait l’objet de condamnations pénales effectives.
– Les sanctions pécuniaires prononcées par la Commission des sanctions de l’AMF sont élevées : 117 millions d’euros depuis 2004 alors que le montant des sanctions pénales a été de 2,9 millions d’euros pour la même période.
– Les abus de marché sont très rarement sanctionnés au pénal par une peine privative de liberté. Au total, au cours des dix dernières années, aucune peine de prison ferme n’a été prononcée tandis qu’une peine avec sursis a été infligée dans 13 dossiers.
Partant de ces constats, le groupe de travail a estimé qu’il convenait de réserver, comme les textes européens le suggèrent, la voie pénale aux cas d’abus de marché les plus graves, c’est-à-dire ceux portant atteinte à l’ordre social et nécessitant en conséquence une peine privative de liberté. La voie administrative serait quant à elle privilégiée pour réprimer les atteintes au bon fonctionnement du marché.
En pratique, cela revient à proposer les 4 axes de réforme suivants :
1 – Le principe d’interdiction du cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives serait inscrit dans la loi pour tenir compte de l’évolution des jurisprudences européenne et du Conseil constitutionnel.
2 – Une distinction claire de la définition des manquements de celle des délits boursiers par l’introduction de critères objectifs dans la loi.
Cela reviendrait à retenir l’infraction générale telle qu’elle est définie dans les textes européens sur les abus de marché et à en confier par la loi sa répression à l’AMF.
Une infraction aggravée serait introduite dans la loi et caractérisée par des critères d’intentionnalité, de récidive et de gravité (montants des profits illicites, bande organisée). Elle serait seule passible de sanctions pénales.
3 – Une concertation des actions respectives du Parquet national financier et de l’AMF préalable à l’engagement des poursuites.
Une concertation obligatoire d’une durée de deux mois entre le Parquet national financier et l’AMF serait mise en place pour favoriser l’allocation optimale des dossiers pouvant relever du juge pénal ou de l’AMF.
4 – Un encadrement des constitutions de parties civiles en amont de la concertation entre le Parquet financier et l’AMF et des pistes d’amélioration de la procédure pénale afin d’en réduire les délais.
Conformément à la décision du Conseil constitutionnel, la réforme du système répressif devra intervenir avant le 1er septembre 2016.
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