La Bourse est souvent le théâtre d’OPA. De quoi s’agit-il exactement ?
L’offre publique d’achat est une opération par laquelle une personne morale (c’est-à-dire une société) ou physique (cas exceptionnel) annonce publiquement aux actionnaires son intention d’acquérir tous leurs titres et ce durant un certain délai et à un prix fixé en espèces. Par exemple, la Banque Fédérative du Crédit Mutuel (BFCM) a lancé en juin 2017 une OPA simplifiée sur le Crédit Industriel et Commercial (CIC) au prix de 390 euros l’action, avec une prime immédiate de 78 %. Dès lors, les actionnaires du CIC ont pu céder avec profit leurs titres au groupe bancaire qui s’est engagé à les racheter au prix convenu.
Quelle est la différence avec une OPE ?
L’offre publique d’échange est une opération identique à l’OPA à cette différence près que les actionnaires qui répondent favorablement sont payés en titres de la société initiatrice et non en espèces. Par exemple, le groupe d’équipement ferroviaire Faiveley Transport a fait l’objet en décembre 2016 d’une offre du groupe américain Wabtec (Westinghouse Air Brake Technologies Corporation). Celle-ci se décomposait en une OPA à titre principal (au prix de 100 € par action), assortie à titre subsidiaire d’une OPE (à raison de 13 Faiveley Transport pour 15 Wabtec). A l’issue de l’offre, les actionnaires de Faiveley qui ont apporté leurs titres à l’OPE subsidiaire sont donc devenus des actionnaires de Wabtec. Dans le cas d’une OPE, il n’y a donc pas de sortie de cash pour l’initiateur de l’offre.
A priori, les sociétés ne lancent pas des OPA pour le plaisir…
Non, bien sûr. La Bourse offre la liquidité aux actionnaires et permet aux sociétés de lever des capitaux pour financer leur développement. Mais elle leur donne aussi la possibilité de croître par acquisition, via ces offres publiques. Deux éléments stratégiques sous-tendent généralement une OPA. Soit le repreneur s’estime compétent pour améliorer la rentabilité de la société visée. Soit la cible présente, quelle que soit son évaluation, un intérêt stratégique (brevets, produits phares, technologie, image de marque, qualité des équipes…) pour se diversifier, gagner des parts de marché ou s’implanter à l’étranger.
Pourquoi les investisseurs salivent-ils à la prononciation du sigle OPA ?
L’OPA constitue généralement une bonne affaire pour l’actionnaire minoritaire, car l’offre est souvent assortie d’une prime par rapport aux derniers cours de Bourse. Cette prime se mesure par différence entre le prix de l’OPA et le dernier cours coté. Selon les différentes études publiées, il ressort que la prime moyenne payée par les acheteurs, dans le cadre d’une OPA, atteint environ 20 % sur les derniers cours cotés et 25 % sur la moyenne des cours des trois derniers mois avant l’annonce de l’opération. Mais, attention, il arrive parfois que l’offre soit lancée à un prix proche, voire inférieur aux derniers cours, si, par exemple, un emballement spéculatif a eu lieu dans les semaines précédant l’annonce de l’opération.
Dans le cadre d’une offre publique, les petits actionnaires sont-ils traités de la même manière que les institutionnels ?
Oui, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) veille à ce qu’il y ait une stricte égalité de traitement entre les différents actionnaires. Autrement dit, l’initiateur de l’offre paie le même prix, quel que soit le nombre d’actions apportées, étant entendu que, depuis 1982, les offres publiques doivent porter sur la totalité du capital. Comme le précise son règlement général, l’offre publique doit viser la totalité des titres de capital et des titres donnant accès aux droits de vote de la société. Autrement dit, actions, ADP, certificats d’investissement, mais aussi bons de souscription et obligations convertibles sont concernés par une éventuelle OPA ou OPE.
Avec une OPA, on gagne donc à tous les coups !
Non, une OPA n’est pas forcément synonyme de plus-values. D’abord, parce que la plupart des valeurs opéables sont connues des investisseurs. Autrement dit, le caractère spéculatif lié à la dispersion du capital est souvent intégré dans les cours. Ensuite, il faut faire attention aux « cathédrales », pour reprendre l’expression d’Antoine Riboud, le regretté président de Danone (« Danone est la cathédrale de Chartres, avait-il lancé un jour, et on n’achète pas la cathédrale de Chartres »). Nombre de sociétés ont, en effet, mis en place des « pilules empoisonnées » qui interdisent l’accès à la citadelle. Cela peut prendre diverses formes, comme la limitation des droits de vote, l’adoption du statut de commandite ou la signature d’un pacte d’actionnaires. Sans parler de la gangue colbertiste, dont la France n’a pas totalement réussi à se débarrasser. Un décret a ainsi été pris afin de renforcer le contrôle des investissements étrangers dans les secteurs dits sensibles. A savoir l’industrie d’armement, les casinos, la cryptologie, la recherche et la production d’antidotes, l’interception des communications, la sécurité privée et celle des systèmes d’information. Ces investissements sont désormais soumis à une procédure d’autorisation. Autant de barrières qui peuvent réfréner l’ardeur d’un acquéreur. Enfin, il faut souvent s’armer de patience en la matière. Dix ans avant qu’elle se réalise, on parlait déjà d’une OPA imminente sur Guyenne & Gascogne !
Mais, en ramassant discrètement des actions sur le marché, une société peut prendre le contrôle d’une autre !
C’était vrai à une époque, mais plus maintenant. Désormais, lorsqu’une société franchit à la hausse des seuils dans le capital d’une autre (5%, 10%, 15%, 20%, 25%, 30%…), elle est tenue de les déclarer à l’Autorité des Marchés Financiers. Sous peine de perdre ses droits de vote. Surtout, au seuil des 20 %, elle est tenue de déclarer ses intentions. Et, passé le cap des 30 % du capital ou des droits de vote, elle est tenue de lancer une offre publique (OPA ou OPE) sur la totalité des actions.
Au fait, qu’est-ce qu’une valeur opéable ?
Une valeur est dite opéable lorsqu’elle peut faire aisément l’objet d’une OPA. C’est en principe une société dont le capital n’est pas contrôlé par un ou plusieurs actionnaires de référence. Autrement dit, une société dont plus de la moitié du capital est entre les mains du public. En principe, car une société cotée peut très bien faire l’objet d’une OPA même si son capital est verrouillé. En effet, l’actionnaire majoritaire peut être désireux de vendre pour diverses raisons (retraite, succession, manque de capitaux propres, climat hyperconcurrentiel…). Dans ce cas, après avoir acquis un bloc de contrôle, l’acquéreur est tenu de lancer une offre dite simplifiée aux actionnaires minoritaires, aux mêmes conditions de prix.
Pourquoi les cours de l’acquéreur baissent-ils après l’annonce d’une offre ?
Tout simplement en raison des risques de dilution, expression certes barbare, mais qui décrit un phénomène particulièrement craint par le marché. En effet, lorsqu’une société cotée émet des actions nouvelles pour financer une offre d’acquisition, les analystes étudient le risque de dilution du bénéfice net par action (BNPA). Autrement dit, ils vérifient si le résultat attendu du nouvel ensemble, divisé par le nouveau nombre d’actions composant le capital social, sera plus élevé que le BNPA prévu précédemment. Si la réponse est négative, l’opération est dite dilutive, ce qui entraînera des dégagements sur le marché. Si la réponse est positive, l’opération sera alors relutive, ce qui aura un impact positif sur les cours.
Quelle différence y a-t-il entre une OPA amicale et une OPA sauvage ?
Une OPA amicale est une offre qui bénéficie du soutien de la direction, du conseil d’administration ou des actionnaires de référence qui contrôlent la société visée. A l’inverse, une OPA inamicale, sauvage, hostile ou non sollicitée, pour reprendre un terme à la mode, est une offre qui n’a pas l’assentiment de la société visée. A cet égard, la première offre hostile en France fut celle de BSN sur Saint-Gobain en 1968. Elle se solda par un échec, mais pas en termes de notoriété pour « l’agresseur ». Néanmoins, une offre, au départ hostile, peut devenir ensuite amicale. Pour requalifier l’opération, il suffit souvent d’y mettre le prix !
Que se passe-t-il pour ceux qui ne remettraient pas leurs titres à l’offre ?
L’actionnaire n’est pas tenu effectivement d’apporter ses titres à l’offre, si les conditions proposées ne lui conviennent pas. Mais, si l’OPA réussit, le risque est grand de se retrouver avec des titres peu liquides et sans intérêt. Pour sortir ensuite dans de bonnes conditions, il lui faudra attendre une offre publique de retrait, qui est, en quelque sorte, la « voiture balai » des offres publiques. L’OPR est lancée en effet par un ou plusieurs actionnaires qui détiennent déjà plus de 90 % du capital d’une société. A l’issue d’une OPR, les titres sont radiés du marché à un prix soumis à l’AMF et à un expert indépendant. A ce stade, l’actionnaire n’a plus le choix.
Comment sont traitées fiscalement les plus-values ?
Lorsqu’un actionnaire apporte ses titres à une offre publique d’achat, la plus-value constatée à cette occasion est prise en compte dans le calcul de la plus-value nette globale. Dès le premier euro de cession, ces plus-values sont soumises au prélèvement forfaitaire unique de 30 %, prélèvements sociaux de 17,2 % inclus (au 1er janvier 2018). Pour les contribuables les plus modestes, l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu reste néanmoins possible (voir l’onglet « Fiscalité »). En revanche, dans le cas d’une offre publique d’échange, la plus-value constatée (calculée par différence entre la valeur des titres reçus en échange et le prix d’acquisition des titres remis à l’échange) sera imposée l’année où les titres reçus seront cédés sur le marché.
Gérard Blandin
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